Nouvelle combinaison du comportement électoral dans l'Ouest

Auteur : Pascal Buléon


Tout au long des années 1980, le mouvement, amorcé au cours des années 1970 qui sort petit à petit l'Ouest français de ses particularismes et le hisse au niveau des standards nationaux de la période, se confirme et devient une donnée constante.

Le rapport Droite-Gauche sur l'ensemble de l'Ouest est dans les élections nationales assez proche du niveau national. Dans les élections locales, il est, soit plus marqué à Droite au bénéfice de personnalités locales selon un jeu notabiliaire bien connu, soit, et c'est plus nouveau à ce niveau de suffrages, équivalent au rapport Droite-Gauche des élections nationales lorsque des personnalités de Gauche ont pu s'implanter. Le phénomène existait notamment dans des petites villes ou bourgs marqués par une activité industrielle, mais il se multiplie à compter des élections municipales de 1977 et des cantonales de 1979.

A ce changement du rapport Droite/Gauche s'ajoutent quelques traits qui dessinent les nouvelles particularités des comportements politiques de l'Ouest. Premier de ceux-ci : la situation du Front National. Comme dans l'ensemble national, le vote d'extrême-droite apparaît au cours des années 1980, mais il reste constamment, pendant dix ans, de 1984 à 1994, en deçà de ses scores nationaux.

Second trait particulier, le vote écologiste. Le vote écologiste apparaît ici encore dans le contexte de son émergence nationale, mais il y apparaît très tôt, dépasse fréquemment et tout au long de la décennie les niveaux français en de nombreux endroits.

Troisième trait particulier : la notabilité politique rurale classique perdure tardivement. Cette question est complexe, car il est abusif d'assimiler rapidement une forme historique de notabilité à ce type de relation politique élu-population en général. La forme particulière du notable de l'Ouest rural, produit de l'histoire sociale du dernier siècle dans l'Ouest, a perduré jusqu'à la fin des années 1980. Ce modèle de représentation politique a été mis à mal particulièrement dans les élections municipales et cantonales de la fin des années 1980 et des années 1990 (surtout de 1985 à 1994) dans toute la France. Il était jusqu'alors resté demeuré très vivace dans l'Ouest. Il se modifie et ne disparaît pas vraiment. De nouvelles formes de notabilité apparaissent, en particulier dans le cadre d'exercice de prédilection de la notabilité locale, qu'est le conseil général.

Le rapport à l'abstention est le quatrième trait particulier de l'Ouest. Dans un contexte national, à la fin des années 1980 où l'abstention a atteint des niveaux très élevés, parfois historiques, - rapporté au système électoral mis en place après 1945 -, elle progresse aussi dans l'Ouest, mais atteint surtout dans les zones rurales des niveaux moins élevés qu'au niveau national.

Ces traits particuliers maintenus ne sont pas contradictoires avec la trajectoire de rattrapage accéléré du niveau national, ni avec le processus d'homogénéisation nationale qu'a connu le vote en France entre les années 1960 et les années 1990. Le vote Front National, le vote écologiste, le phénomène notabiliaire et sa modification, tout comme l'abstention, sont des phénomènes qui appartiennent tous au contexte national et ne sont pas propres à l'Ouest. Ils participent même du processus d'homogénéisation nationale, manifestant l'extension à tout le territoire quasi simultanément de nouveaux phénomènes politiques.

L'homogénéisation n'est pas pour autant synonyme d'uniformisation. C'est une confusion qui a été faite souvent à la fin des années 1980. Ce n'est pas parce que les fortes disparités régionales se réduisent et que d'anciennes particularités disparaissent que le comportement électoral devient uniforme. D'une part les écarts à la moyenne nationale subsistent et ces écarts ne sont pas purement aléatoires, ils ont des cohérences spatiales de niveau pluri-régional (ainsi le Grand Ouest, et le Sud Est), de niveau régional, et de niveau infra-régional (les zones littorales, les agglomérations, les périphéries urbaines). D'autre part ces écarts au niveau national se traduisent par l'émergence de nouvelles particularités de niveau infra-national.

Ces particularités ne sont pas des particularismes isolés, elles sont souvent des modalités du contexte national, elles préfigurent, exacerbent ou minorent des tendances nationales. Ces cohérences infra-nationales ne se superposent pas nécessairement avec les limites administratives des régions, elles peuvent en englober plusieurs, elles peuvent en chevaucher des limites, elles peuvent être d'extension plus restreinte. Les élections municipales de 1989 en sont l'illustration.


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