Urbanisation, périurbanisation et capillarité familiale

Auteur : Pascal Buléon


Pour proposer quelque explication à cette modification, il est possible de formuler l'hypothèse suivante : premièrement un phénomène de "capillarité familiale" aurait succédé à la disjonction de comportement ruraux/urbains des années 1970. Au sein des familles dont une partie vivait en zones urbaines, travaillait dans un milieu industriel ou tertiaire et avait porté des votes sur Mitterrand en 1974 et 1981, sur la tête de liste de gauche opposée au maire sortant aux municipales de 1977, ou de 1983, les échanges avec les membres de la famille vivant en zone rurale ont pu montrer que le vote de gauche n'était pas si étranger, si exotique, ni le vote de droite autant dans l'ordre des choses. Cette "capillarité familiale" constitue un premier vecteur de diffusion dans les zones rurales.

Deuxièmement, les zones rurales changent elles-mêmes de nature, leur contenu démographique et social s'est modifié. La dominance de populations agricoles très enracinées a considérablement reculé. Les bourgs ont connu eux-mêmes un développement de PMI-PME, la pluri-activité a introduit de nouvelles pratiques économiques et sociales. Le développement du transport automobile a multiplié les migrations alternantes entre des communes rurales et les bourgs, les villes moyennes, et les principales villes d'un département. L'allongement régulier des temps de trajets quotidiens dont fait état chaque recensement témoigne de cet état de fait.

La population qui vit dans ces communes est pour une part insérée dans des tissus de relations qui se sont diversifiées et élargies depuis la période précédente. Cette situation ressort fort bien de l'indicateur de classement utilisé par l'INSEE, la catégorie dite ZPIU, Zone de Peuplement Industriel et Urbain. La catégorie a tant gagné par auréoles autour des agglomérations au cours des années 1980 que l'institut de la statistique s'est posé le problème de la remise en cause de la catégorie car elle intégrait trop de communes dans de nombreux départements.

La population du rural a changé, le poids de la population agricole, les rapports de pouvoir qui y étaient liés, ont décliné. La chose ne constitue pas en soi une raison d'une progression de la Gauche, elle est par contre de nature à introduire de la diversification dans les choix électoraux. Cela a sans nul doute concouru au rééquilibrage du rapport d'influence Droite/Gauche et de la percée de courants d'opinion tels que les Écologistes qui, en milieu rural, ne se répartissent pas forcément selon la péréquation 2/3 à gauche, 1/3 à droite, que l'on utilise pour les reports de second tour.

Troisièmement, la conjugaison de ces deux premiers phénomènes, la "capillarité familiale" du changement de vote, et le changement de contenu social des zones rurales, se traduisent par l'affaiblissement des fonctions encadrantes sur le plan idéologique dans le monde rural.


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