Hypothèse sur l'émergence d'un nouveau modèle électoral des années 1980 dans l'Ouest

Auteur : Pascal Buléon


Nous avons proposé une hypothèse pour l'évolution des années 1960 et 1970, celle de l'articulation changement social / changement spatial / changement électoral. Le changement au cours de cette période est centré sur les villes, pour l'essentiel la droite maintient une très forte hégémonie dans les zones rurales. Cette disjonction se retrouve alors nécessairement au sein même des familles. Beaucoup de familles au cours des années 1960-70 ont connu la situation suivante : les parents et grands-parents vivant en zones rurales, les enfants arrivés à l'âge adulte se sont installés en ville, dans la métropole régionale, ou dans une des villes de plus de 30.000 habitants que comptent les départements de l'Ouest et qui concentrent une grande part de l'activité industrielle et tertiaire. Selon l'hypothèse que nous avons décrite précédemment, cette population porte préférentiellement ses choix électoraux à gauche. Très souvent, le vote est différent du reste de la famille restée en zone rurale, qui tendanciellement vote plutôt pour le notable sans étiquette aux élections locales et pour les partis de droite traditionnelle aux élections nationales.

Au cours des années 1980, l'ancrage d'une influence de la Gauche dans les villes de l'Ouest se confirme. Il confirme par là même la relation avec les couches sociales qui préférentiellement portent ce choix électoral. Cette relation n'est jamais immobile, elle se modifie au gré de l'évolution politique nationale, l'influence de tel ou tel parti (le PC, le PS, les Écologistes) varie, le degré de participation aussi. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, la relation même à la "chose politique" sera troublée pour l'électorat tout entier. Pour autant, la préférence globale, assortie de toutes ces modifications, de ces couches sociales ouvrières, employées et cadres moyens pour le vote à gauche ne disparaît pas, car la structure des influences et du partage Droite/Gauche ne change pas substantiellement.

Dans le cours même des flux et reflux de la fin des années 1980, il faut noter que, du point de vue du rapport Droite/Gauche, le rattrapage du Grand Ouest au regard de la situation nationale se poursuit. Ainsi en 1986, lors des législatives et des élections locales de la fin des années 1980 jusqu'à 1994, lorsque la Gauche (particulièrement le PS) enregistrera des reculs au niveau national, elle connaîtra un mouvement dans l'Ouest, de sens identique, mais de moindre intensité. Ipso facto chaque recul national, assorti d'un moindre recul dans l'Ouest, rapproche un peu plus le rapport Droite/Gauche de la moyenne nationale, et le profil politique Grand Ouest de la situation nationale.

La traduction spatiale de ce mouvement est la suivante : l'hégémonie de la Droite sur les zones rurales qui était encore très forte à la fin de la décennie 1970 et au début des années 1980, s'érode. Les cartes successives des élections présidentielles de 1974-1981-1988 montrent fort bien ce changement de niveau dans la prégnance de l'influence de la Droite en milieu rural et montrent inversement la diffusion progressive et régulière de la Gauche. Les élections législatives et les élections locales font ressortir le même phénomène. Le nombre de voix se portant respectivement à Droite et à Gauche quitte le rapport 70/30 ou 80/20, rapport fréquent en zones rurales au début des années 1970 pour atteindre des rapports 60/40.


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