Moindre abstention qu'au niveau national

Auteur : Pascal Buléon


Commençons par l'abstention qui est un phénomène concernant tout l'électorat. L'abstention est depuis l'après-guerre, relativement faible en France. Les élections locales, municipales particulièrement où l'effet de proximité joue à plein, et l'élection présidentielle depuis la forme instaurée par De Gaulle, sont des élections à participation élevée. La conjoncture pousse à une mobilisation variable, mais la participation demeure forte. Les élections législatives ont connu des succès de participations différents selon les conjonctures politiques dans lesquelles elles s'inscrivaient. Celles de 1981 comme celles de 1988 n'étaient pas parmi les plus mobilisatrices, dans la foulée des présidentielles. Celles de 1977 qui constituaient une confrontation de forte intensité politique pour le pays atteignirent des niveaux élevés. 70 à 80 % de participation, 25 à 30 % d'abstention constituent la moyenne habituelle. La situation nationale française à partir de 1988 change très significativement. La multiplication d'élections à quelques mois d'écart a souvent été invoquée. Cela a peut-être joué mais ne constitue pas le ressort de cette abstention.

Le ressort est plus profond. On peut l'analyser comme l'effet de la désorientation de l'ensemble de l'électorat confronté à une situation économique et sociale pavée de difficultés et à une vacance de projet politique global. Le premier septennat de F. Mitterrand et la première législature de la Gauche s'étaient ouverts sur le projet de changements importants. La politique suivie ne fut pas à la hauteur des attentes. La première cohabitation (1986-88) ne donna satisfaction ni à l'électorat de Droite qui vit peu de modifications à son tour, ni à l'électorat de Gauche qui l'a vécue comme une période revancharde. Le deuxième septennat s'ouvrit sur l'attente d'une politique extérieure rassurante, en rupture avec les derniers mois de la cohabitation et les troubles de Nouvelle-Calédonie, mais sans grandes attentes investies en politique intérieure, notamment dans les domaines économiques et sociaux. La pression de plus en plus forte du chômage et l'incertitude du lendemain qu'elle génère ont progressivement pris toute la scène, en même temps qu'aucun projet ayant du souffle n'était audible par les électeurs. Aussi la perception de la capacité de la politique à intervenir dans la vie, et donc l'intérêt de se prononcer sur des partis et personnes, dont il n'était plus clairement perçu ce qu'ils avaient à proposer, se sont-ils amenuisés. Cette désorientation, cette perte de repères au sens strict, se sont traduites par une abstention plus forte. Plusieurs fois depuis 1988, un électeur sur deux ne s'est pas déplacé pour voter. Le phénomène est systématiquement accentué en zones urbaines.

L'Ouest a connu la même évolution, mais de façon générale, l'abstention était moindre qu'en moyenne nationale. Au regard de l'abstention, les secteurs ruraux et les zones urbaines ne se comportaient pas tout à fait de la même façon. Sur la trame commune d'une abstention plus importante, les villes ont considérablement amplifié le phénomène, les zones rurales l'ont considérablement minoré.


Haut