Une mouvance écologiste plus forte

Auteur : Pascal Buléon


Le vote écologiste est plus hétérogène que d'autres familles politiques. Le clivage droite/gauche le traverse. Sous un même vocable coexistent des regroupements de défense des animaux, rares mais présents, et des formations qui ont des projets politiques d'ampleur diverses, mais qui associent l'environnement à des questions de politique générale. Il s'ensuit que plus que d'autres votes, le vote écologiste ne se prête pas à une interprétation simple.

Dès la fin des années 1970, le vote écologiste perce dans plusieurs départements de l'Ouest. Plusieurs sensibilités convergent : l'irruption de l'inquiétude face aux problèmes de l'environnement, considéré comme un problème politique. Cette option entre mal dans le partage d'influence politique classique entre partis et Droite/Gauche, ou même la récuse. Le prolongement des radicalisations des années 1960 et 1970 : s'il n'est pas très éloigné des préoccupations de la sensibilité précédente, il en diffère sur un point essentiel : héritant d'une part des courants radicaux, il s'oppose à la Droite et se défie de la Gauche institutionnelle, petits et grands partis confondus.

Le processus même du changement de comportement électoral, d'une fraction jeune de l'électorat numériquement importante, de l'homogénéisation nationale, produit des turbulences d'influences et d'attirances qui favorisent un courant écologiste aux contours flous.

Le phénomène est considérablement renforcé dans la fin des années 1970 par les conflits d'opinion importants autour de l'installation de nouvelles centrales nucléaires, d'extension du seul Centre de retraitement de déchet en France, et de l'importation pour retraitement de déchets étrangers. Les conflits autour des projets de Plogoff dans le Finistère, du Pellerin en Loire-Atlantique, de Flamanville, Barfleur dans la Manche, l'extension du Centre de retraitement de la Hague, ont ponctué la deuxième partie des années 1970. Ils ont sensibilisé non seulement une fraction très importante de la jeunesse scolarisée et estudiantine, mais également des couches de salariés urbains et de populations rurales. Les motivations étaient diverses et des couches sociales très différentes ont été sensibilisées à ces questions.

Dans le même temps, une fraction de l'électorat urbain dans les grandes villes, cela devient patent lors des Municipales de 1977, remet en cause la façon dont les questions de cadre de vie ne sont pas traitées. Les deux préoccupations convergent, des mouvements d'opinion se lient, se disputent, mais créent une sensibilité politique qui se diffuse.

Ainsi lors des présidentielles de 1981, la plupart des départements de l'Ouest, hormis la Sarthe sont dans le premier quart des départements français des meilleurs votes recueillis par la candidature Brice Lalonde. En 1984, la liste Europe Écologie recueille quelques-uns uns de ses meilleurs résultats dans l'Ouest. Le département de la Manche se confirmant toujours être un point fort.

La sensibilité écologiste s'affirme essentiellement dans des élections locales ou sans enjeu de gouvernement. Dans les scrutins législatifs, l'enjeu de gouvernement écrase le désir d'affirmer des opinions. Ce phénomène dit "vote utile" n'est pas spécifique aux écologistes, il a concerné, tout au long des années 1970 et 1980, les petites listes. C'est l'effet du mode du scrutin uninominal à deux tours et de la forte bipolarisation Droite/Gauche. Il maintiendra le vote écologiste à un niveau plus faible dans les élections nationales que dans les autres pays d'Europe de l'Ouest au même moment.

Ce phénomène montrera son revers à la fin des années 1980. Le revers est particulièrement coûteux pour les grandes formations. Le Parti Socialiste en paie le prix fort, mais les principaux partis de Droite n'en sont pas exempts. La confiance de l'électorat dans les partis traditionnels s'étant très largement effondrée, le mécanisme du "vote utile" est grippé ; s'y substituent une forte abstention, une forte volatilité du vote d'une élection à une autre et la poussée de votes qui expriment différentes formes de désarroi et de mécontentement. Les écologistes ont été une des principales formes, symétriquement opposée au Front National de ce mouvement d'opinion. Le vote utile s'est alors inversé. "L'utilité" du vote pour les grands partis n'apparaît plus aussi forte, il apparaît au contraire utile de marquer sa préférence pour de nouvelles formations, de nouvelles personnes. La fin des années 1980, à compter de 1988 et le début des années 1990, verront ainsi les écologistes réaliser fréquemment des scores entre 5 et 10 % et dépassant les 10 % à leurs meilleurs moments.


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