Dans l'Ouest, coexistence de quelques bons résultats localisés sur fond de recul pour la Droite et de progression générale pour la Gauche

Auteur : Pascal Buléon


Au premier tour de ces législatives, l'Ouest suit le mouvement national et marque de nouveau les petites spécificités qui y sont apparues au début des années 1990. Le mouvement de balancier à Gauche va parfois plus loin que le mouvement national. Le recul des candidats de Droite non seulement par rapport à 1993, mais par rapport aux situations antérieures est important. En même temps, les circonscriptions de la crête Manche - Mayenne - Maine-et-Loire - Vendée, constituent les meilleurs résultats nationaux de la Droite à ce premier tour avec le Cantal, la Lozère, et la Corse. C'est cela une des caractéristiques de l'Ouest fin des années 90 : l'hégémonie de Droite a disparu, les majorités sont rétrécies, mais sur une partie, intérieure surtout, des régions, la Droite demeure sur ses meilleures positions nationales. En même temps, la Gauche y a repris sa progression, parfois plus forte que nationalement, et réalise dans quelques départements, quelques circonscriptions (dont le nombre a augmenté) parmi ses meilleurs scores nationaux. Cette double caractéristique, cette coexistence des contraires, ce différentiel d'avec la situation nationale, en dehors de ses ressorts internes s'explique arithmétiquement et politiquement par la plus faible audience du Front National. Elle ne s'explique pas que par cela car le Sud-Ouest où le Front National est à un niveau équivalent n'a pas le même modèle. La Gauche y domine plus largement.

Les héritages politiques historiques l'expliquent en grande partie. Les régions de l'Ouest font coexister ce cocktail : meilleures terres d'influence de Droite coexistant avec points d'ancrage forts de Gauche et des Ecologistes et faiblesse relative du Front National.

A ce premier tour de 1997, la Droite passe rarement au-dessus de la barre des 40 %. Dans les Pays de la Loire, pour la première fois, elle n'a aucun élu de premier tour, les reculs des sortants sont considérables, en Mayenne précisément dans le département qui reste un des meilleurs de France. François d'Aubert à Laval perd 11 points ; Henri de Gatine (RPR) 30 points et Roger Lestas (UDF) 25 points. En Vendée, Philippe de Villiers bien qu'en ballottage favorable perd 18 points. Dans le Maine-et-Loire qui envoie habituellement sept députés de Droite sur sept à l'Assemblée, le recul est de 10 points. Dans la Sarthe, Fillon perd 15 points.

En Basse-Normandie, la situation est identique. Un seul député sortant passe au premier tour : René André, RPR à Avranches, mais perd 9 points. Partout la Droite recule, particulièrement dans la moitié nord de la région, la Droite est souvent autour de 35 % parfois même en dessous de 30 comme André Fanton à Lisieux. Des circonscriptions toujours acquises, telle Bayeux voit son député sortant, François d'Harcourt à 34 %, 4 points devant seulement une candidate PS fraîchement implantée.

En Bretagne, le balancier est, cette fois encore, poussé plus loin à Gauche dans beaucoup de circonscriptions. Seul Pierre Méhaignerie, UDF, repasse au premier tour avec 51,4 %, en recul de 11 points. Alain Madelin (UDF-PR) à Redon perd 15 points, Charles Miossec, RPR à Landerneau également. Le mieux élu de 1993, Loïc Bouvard à Ploërmel dans le Morbihan perd 10.000 voix. De façon générale, les pertes sont de 10 à 15 points.

La reprise de la Gauche, ou plus particulièrement du PS, car c'est essentiellement lui qui en bénéficie, est le miroir de cette hausse. Il retrouve dans toutes les circonscriptions un niveau d'alternative crédible, ce qu'il n'avait plus en 1993. Il approche en plusieurs circonscriptions ses meilleurs scores de 1988, il obtient même des résultats qu'il n'avait jamais atteint comme dans la circonscription de Bayeux avec 30 %.

Les Ecologistes, dont plusieurs orientations politiques sont présentes (les Verts - les Indépendants - Génération Ecologie) obtiennent au total des scores meilleurs qu'au niveau national, mais moindre qu'en 1993. Le rôle élargi de vote critique qu'ils avaient joué, joue moins, leur émiettement et la reprise du PS y contribuent. Les Verts, comme nationalement, sont en tête des différents candidats écologistes mais ne dépassent pas 5 à 6 % à l'exception de Didier Anger, député européen, soutenu par le PS à Valognes dans la Manche qui obtient 21 %.

Le FN progresse dans les trois régions, plus nettement en Basse-Normandie où il atteint ou dépasse 10 % dans toutes les circonscriptions et nettement moins en Bretagne où ses scores tournent autour de 6 - 7 %. Il demeure plusieurs points en dessous de sa moyenne nationale, sauf et c'est l'élément nouveau de ce premier tour pour l'Ouest dans trois circonscriptions de Basse-Normandie, Saint-Lô et Valognes dans la Manche (16,6 et 15,5 %), et surtout l'Aigle en bordure est de l'Orne à 17 %. Il n'est nulle part en situation de maintien au second tour. L'Ouest reste une terre demoindres résultats pour le FN, mais au fil des années de la décennie 1990, il s'agit d'une position relative car ses scores y augmentent le plus souvent. Les cas de régression sont rares. La progression se fait par contiguïté.

La Basse-Normandie est plus perméable, en particulier à proximité de l'Eure et de l'Eure et Loir où le FN y était déjà à un niveau plus élevé. Systématiquement, les zones rurales donnent de meilleurs scores que les villes dans l'Ouest.

Au regard du Front National, ont peut lire une double partition de la Basse-Normandie : une Basse-Normandie urbaine et une Basse-Normandie rurale, et surimposer une coupure Est / Ouest. Pas une ville dans son ensemble n'accorde plus de 10 % au Front National, parfois même, il recule. Ainsi à Hérouville, dans l'agglomération caennaise, les 10 % des Législatives sont inférieurs aux 12 % de la Présidentielle. Par contre des bourgs côtiers - ce qui se produit régulièrement depuis son apparition - tels Saint-Vaast-La-Hougue, Carteret, ainsi que de petits villages lui accordent des scores beaucoup plus importants. Une circonscription rurale comme Valognes accorde 15,5 % pour 11 % dans celle de Cherbourg qui lui est contiguë.

La coupure Est / Ouest se superpose à cette logique et dans les circonscriptions en bordure de l'Eure et de l'Eure et Loir à Pont-l'Évêque et Mortagne, l'Aigle, il obtient 13,8 % et 17 %.


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